Publié le 30/09/2024
Mis à jour le 21/10/2024
Durée de lecture estimée : 8 minutes
JPFilla
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1995, après The Chronic de Dr Dre puis le raz de marée Doggystyle, un troisième album s’annonce chez Death Row Records. C’est celui de Delmar Arnaud et Ricardo Brown. Ou Dat Nigga Daz et Kurupt Tha Kingpin. Daz, le producteur. Kurupt, le MC. A la manière de Mobb Deep, un binôme producteur, qui aime aussi le micro et MC, qui sera, lui, vite considéré comme un des meilleurs de son époque. Ils formeront, dans la foulée de la folie Snoop Doggy Dogg, Tha Dogg Pound.
DELMAR ET RICARDO
Delmar, originaire de Long Beach, citée Californienne quasiment inconnue à l’international jusque-là, est justement cousin avec Snoop. Et assez rapidement, Il se retrouve embarqué avec le grand Calvin. Il apprend la prod avec Dre, participe à celle de The Chronic. Ensuite viens le tremblement de terre Doggystyle. L’album qui m’a, comme j’imagine beaucoup d’entre nous, fait définitivement basculer vers le rap (ça va 5 minutes l’Eurodance, Oui, j’ai 12 ans à l’époque, calmez-vous). Il se murmure même que Daz est bien plus acteur de la production de ce monument que ce qui est inscrit dans les crédits du premier album du grand chien. Bon, le murmure vient de Suge Knight, le terrible patron du label. Ça vaut ce que ça vaut. Mais force est de constater que rétroactivement Doggystyle ressemble plus à Dogg Food (le premier album du duo produit par Daz) qu'à The Chronic. Mais ce n’est pas le sujet ici.
Ricardo est, lui, né à Philadelphie. Sa première apparition (totalement improbable) sur disque date de 1991. Il pose sur 3 morceaux de l’anecdotique mais ultime album de The S.O.S. Band, groupe Funk plutôt populaire dans les années 80. Repéré, il signera chez Death Row Records, nouveau label monté par Dre et Suge Knight. Il participera lui aussi, en tant qu’artiste solo, à The Chronic. La connexion avec Daz va alors vite se faire. Ensemble, ils vont former Tha Dogg Pound, faire leur première apparition en 93 sur la BO de Poetic Justice, apparaitre en tant que tels sur Doggystyle, poser un feat chez MC Hammer (avant que ce dernier signe pour le couloir de la mort en 95) et connaitre leur premier coup d’éclat sur la B.O. de Murder Was The Case avec What Would You Do sorti en 94.
DOGG FOOD
17 septembre 1995. Le 1er single de Dogg Food sort en plein beef East/West. New York, New York. Un des trois morceaux de l’album qui n’est pas produit par Daz. C’est DJ Pooh, emblématique prodo de L.A., aux manettes. Ce n’était initialement pas un diss track. Le clip, tournée quelques semaines plus tard, en sera un suite à la fusillade survenue pendant le tournage. New York n’a, semble-t-il, pas aimé voir des Angélinos tourner dans leur ville. Les californiens décideront alors de revoir leur script et d’ajouter quelques coups de pompes dans les buildings de la Big Apple pour alimenter leur clip. Ambiance.
L’album sera un succès commercial mais surtout une énorme réussite musicale. Les prods de Daz sont fantastiques. Basses lourdes. Mélodies accrocheuses mais agressives. Comment ne pas être tout de suite mis sous pression avec Dogg Pound Gangstaz en ouverture ? Ne pas être happé par la troublante mélancolie de Respect ? Ne pas bouger sa tête sur la ligne de basse et le refrain de Smooth ou le refrain emblématique de Cyco-Lic-No ? Je n’ai, personnellement, jamais réussi à choisir mon morceau préféré. Comme dans Doggystyle, se côtoie la chaleur du G Funk et la dureté du Gangsta Rap. Un monument. Sans doute le dernier grand disque du Death Row originel, faisant parti du carré magique avec The Chronic, Doggystyle et Murder Was The Case.
SORTIE DU COULOIR DE LA MORT
Et puis, la fin de Death Row se profile. Pac arrive, Dre part, Pac meurt. Snoop part. Kurupt part. Daz reste, sort un solo puis .... part.
Kurupt sortira ensuite, en 98 et 99, les très bons Kuruption et Tha Streetz Iz a Mutha (et son mémorable Calling Out Names, diss en direction notamment de DMX) sur son label Antra, Daz lancera D.P.G. Recordz et sortira R.A.W. en 2000. Mais vient vite le moment du comeback. Le 1er d’une longue série.
2001. DPG, anciennement Tha Dogg Pound (le nom doit appartenir à Death Row à l’époque) sort Dillinger & Young Gotti en indépendant sur le label de Daz. Le légendaire Mike Dean accompagne ce dernier à la prod. L’album est une véritable surprise. Le premier extrait, Coastin (que j’ai découvert, excité comme un gosse, dans l’émission nocturne de Stomy Bugsy sur Skyrock, et oui) surprend par ses sonorités toujours rythmiques mais moins funk. Delmar semble vouloir réinventer son style. En feat sur l’album, Xzibit, RBX, Roscoe (le petit frère de Kurupt) mais aussi Beanie Sigel (la filiation de Philadelphie). Daz enchaine les bangers à la prod (totalement déchainé, il en fout partout sur We Livin Gangsta Like) et Kurupt est toujours aussi monstrueux. Mon coup de cœur, le refrain de There’s Someway Out. Simple et efficace mais cette petite pince de mélancolie dans le refrain marchera terriblement chez moi. Malheureusement, l’indépendance fait que l’album restera injustement à la marge médiatiquement. Et là c’est le drame.
BEEF PUIS DE NOUVEAU COPAINS
L’année suivante, pendant que Daz & Kurupt volent la vedette à Jay Z sur le remix de Change The Game, sort chez Tha Row (le nouveau Death Row) “2002”, un album d’inédits du duo datant de leur passage sur le label. Et là, plot twist. En pleine guerre entre les anciens du label et Suge Knight, Kurupt devient vice-président de Tha Row. Vous imaginez bien que la relation entre nos deux chiens va considérablement se dégrader. 3 ans durant, ça s’enverra des pics par interviews et morceaux interposés. La suite de leur histoire commune parait à cette époque bien compromise.
Mais Tha Row ne sera qu’une parodie des heures de gloire du label et Kurupt finira, une nouvelle fois, par quitter le navire en 2005 et se rabibocher avec Daz avec à l’aide de Snoop. Nouveau comeback en approche.
Et donc, fin 2005 sort Diilinger et Young Gotti 2 chez Gangsta Advisory (encore un label de Daz). Toujours Daz à la production sur l’essentiel des morceaux. Moins inspiré coté prods (les sonorités peuvent parfois sembler inspirer par le la scène South), il sera encore plus ignoré que le précédent. Mais l’essentiel est là, le duo est revenu.
UN PETIT RETOUR ET PUIS S’EN VA
L’année suivante, Snoop les embarque pour un album sur son label (tout simplement nommé Doggystyle Records) et pour ce qui sera leur retour médiatique. Cali Iz Active ne contient aucune prod de Daz. A la place, Rick Rock, Battlecat, Soopafly mais plus surprenant Swizz Beatz, David Banner ou encore Jazzy Pha. En feat, la famille, Nate Dogg, RBX, The Lady Of Rage. Ice Cube également mais aussi Paul Wall et incroyable mais vrai .... Diddy (pas rancunier les gars). La visibilité est là, globalement bien accueilli, l’album restera néanmoins loin de l’énergie des 2 premiers LP. L’ouverture à du bon mais le résultat n’est pas assez Dogg Pound. Un album finalement très convenu. Le duo, repartira alors dans l’ombre.
Daz décidera de reprendre la main sur la prod pour Dogg Chit en 2007. Cette suite officieuse de Dogg Food, fort sympathique, sortira sur Gangsta Advisory. Cela sera leur dernier album avant l’invisibilité quasi totale.
A partir de là, jusqu’en 2021, vont se succéder pléthore de solos (surtout de Daz), d’albums collaboratifs mais aussi deux albums du duo assez oubliables. Pendant cette période, Kurupt luttera contre l’alcoolisme (c’est 2 Pac qui l’aurait initié aux charmes du Hennessy). Ça semble être la douce pente finale du duo.
2021 puis WAWG
Mais en 2021, dans l’anonymat le plus total, on assistera au retour improbable du Dogg Pound avec DPG 4 Life. 11 ans après leur précédent effort. Snoop, comme depuis le début, est là pour eux. Daz abandonne la prod à d’autres. Album encore une fois oubliable mais quelque chose dans l’air laisse penser que ce n’est qu’un échauffement. Ce quelque chose est le rachat des droits de Death Row par Snoop. Et assez vite, le 9ème album du duo est annoncé sur le mythique label de leur début.
Arrive donc en 2024, l’énième comeback. Et cette fois, chez Death Row Records. La hype est là (en tout cas chez ceux qui espèrent encore). Le premier extrait, Smoke Up, donne terriblement envie d’y croire. Les deux singles suivants sont plutôt réussis mais nous ramènent vite à la réalité avec leurs visuels low budget. Les moyens sont limités. Ils vont devoir faire illusion. L’album, WAWG pour We All We Got, est donc sorti le 31 mai. Loin d’être mauvais, les morceaux convenus s'enchaînent avec quelques bangers. Daz n’est plus à la prod mais reste très solide au micro, comme Kurupt évidemment, jamais pris en défaut et tentant même quelques nouveautés dans son style (LA Kind Of Love). RBX, Lady Of Rage et évidemment Snoop sont là. Nous avons même droit à une prod de DJ Premier pour rassembler ces trois derniers autour du duo. Butch Cassidy et Tha Eastsidaz sont là aussi. L’album fera la blague mais malheureusement ne marquera que peu de personnes, n’existant finalement sans doute que grâce à la nostalgie.
SUITE ET FIN ?
Et si cette nostalgie n’était pas finalement leur moteur ? Celui qui amène Snoop à signer Danny Boy mais surtout à annoncer que son prochain LP, Missionary, suite de Doggystyle, sera entièrement produit par Dre ? Un album sur lequel il est difficile de ne pas imaginer Daz & Kurupt participer activement. Un album qui bouclera la boucle. Dr Dre, Snoop, Daz et Kurupt pour Death Row. Il ne sera alors peut-être plus utile pour eux de nous refaire le coup du comeback mais plutôt de conclure sur une belle note et par un sobre DPGC4LIFE.
BONUS
Petite playlist maison de presque 4h. Merci de mouiller votre nuque avant de la lancer en shuffle.